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Espérance de vie : la course contre la mort s'intensifie

il y a 2 ans
Des milliards de dollars se déversent sur la recherche contre le vieillissement. Les scientifiques espèrent faire tomber le mur de la longévité naturelle. De récents travaux suggèrent que l'humain pourrait vivre plusieurs centaines d'années.

Google poursuit sa course folle contre la mort ! Après avoir investi 1,5 milliard de dollars en 2014 dans la création du laboratoire de recherche Calico Life Sciences, sa société mère, Alphabet, a remis cet été, avec son partenaire new-yorkais AbbVie, 1 milliard de plus pour accélérer le développement de candidats médicaments pour traiter les maladies liées à l'âge.

Les résultats de la première phase de travaux des deux sociétés, délivrés au compte-gouttes, paraissent prometteurs : plus de 20 programmes sur l'immuno-oncologie et les maladies neurodégénératives sont en cours à un stade précoce, et trois ciblant une classe de protéines impliquées dans le « cycle de l'immunité du cancer » (l'ensemble des processus biologiques qui lient système immunitaire et développement de cancers) sont entrés en étude clinique de phase 1.

« Notre partenariat est un moteur d'innovation sans équivalent pour faire évoluer nos connaissances sur la compréhension de la biologie du vieillissement », rappelait fin juillet le président de la biotech californienne, Arthur Levinson, en présentant les termes de cet engagement. Ses intentions tournent comme un mantra sur la page d'accueil du site de Calico : « Nous traquons le plus grand mystère de la vie… l'âge. »

La recherche accélère

Les fondateurs de Google, Larry Page et Sergey Brin, ne sont pas les seuls milliardaires des technologies numériques à avoir fait de la fontaine de jouvence leur quête ultime. Depuis une décennie, Paul Allen (cofondateur de Microsoft, décédé en 2018), Larry Ellison (Oracle), le magnat russe Dmitry Itskov (New Media Stars), Robert Miller (Duty Free Shoppers) ou Peter Thiel (cofondateur de PayPal) ont lâché des centaines de millions de dollars dans ce combat contre l'horloge.

Et leur obsession a littéralement changé le point de vue de la recherche en détournant une bonne partie de son attention du traitement des maladies liées à l'âge au profit de l'étude des mécanismes qui en sont responsables.

Dans les années 1990, deux découvertes ont changé la donne et ont fait émerger une nouvelle génération de chercheurs accros à la longévité. Il y a d'abord eu celle de Gary Ruvkun, spécialiste en biologie moléculaire et aujourd'hui professeur de génétique à la faculté de médecine de Harvard. En étudiant les fondements moléculaires du « stade dauer » chez les vers nématodes, le scientifique a décrypté des mécanismes de survie inexpliqués.

En condition de stress, les larves de nématodes peuvent entrer dans une stase leur permettant de survivre à des conditions difficiles : le « stade dauer ». Quand il est dans cet état, l'animal peut résister longtemps à un environnement dégradé en ralentissant son métabolisme.

Cure de jouvence hyperbare

Ruvkun a découvert comment se produit ce ralentissement en identifiant un ensemble de gènes de régulation dont le fonctionnement est assez semblable à ceux qui, chez l'Homme, contrôlent le signal hormonal de sécrétion de l'insuline. A la même époque, la chercheuse en biologie moléculaire Cynthia Kenyon, de l'université de Californie à San Francisco, est parvenue à doubler l'espérance de vie des mêmes vers - de trois à six semaines - en provoquant une mutation d'un gène particulier.

Depuis, d'importants progrès ont été accomplis par les chercheurs. A l'université de Tel-Aviv, le professeur Shai Efrati, du centre de recherche et de médecine hyperbare Sagol à l'hôpital Shamir, vient de mener un essai clinique sur le traitement au moyen d'oxygène à haute pression (à l'intérieur d'un caisson hyperbare) des fonctions altérées par l'âge. Trente-cinq personnes en bonne santé âgées de plus de 64 ans ont été exposées à une série de 60 traitements hyperbares pendant 90 jours.

Les chercheurs ont analysé des échantillons de sang prélevés sur les participants avant, pendant et après ce protocole. Et, surprise, deux mécanismes associés au vieillissement ont montré des signes d'inversion : le raccourcissement des télomères protecteurs situés aux extrémités des chromosomes, et l'accumulation toxique des cellules sénescentes.

Après le traitement, les télomères se sont allongés au lieu de raccourcir, dans une proportion allant de 20 % à 38 % selon les types de cellules ; et la quantité de cellules obsolètes a diminué de 11 % à 37 %, selon l'étude publiée dans la revue « Aging ». « En seulement trois mois, notre traitement hyperbare a donné plus de résultats que toute intervention connue impliquant un changement de mode de vie », souligne Shai Efrati.

Plus de centenaires

Véritable « mur biologique », la limite naturelle atteinte par la doyenne de l'humanité Jeanne Calment - 122 ans et 164 jours - pourra-t-elle pour autant être dépassée ? L'espérance de vie, croissant au rythme de deux années par décennie, a déjà doublé. En 1750, elle était de 27 ans pour un homme et de 28 ans pour une femme. Dans nos sociétés modernes, elle s'établit désormais à respectivement 79,7 ans et 85,6 ans.

En moyenne dans le monde, elle est de 71,4 ans et les projections des démographes font apparaître une explosion du nombre de centenaires : en France, ils sont aujourd'hui plus de 20.000, contre seulement 450 en 1960, et il pourrait y en avoir treize fois plus en 2060. « Depuis 1975, note l'Insee, leur nombre augmente continûment au rythme de 8 % par an. » A cette allure, au moins 11 % des enfants nés après 2000 peuvent espérer devenir centenaire, voire « supercentenaires », le terme consacré pour ceux (et plus souvent celles) qui affichent 110 ans au compteur.

On peut aller plus loin, estime le professeur Pankaj Kapahi, chercheur au Buck Institute for Reasearch on Aging, basé en Californie. Dans une étude publiée par la revue « Cell Reports », il décrit comment une modification génétique pratiquée sur des vers de laboratoire a permis de bloquer l'action de molécules affectant les fonctions métaboliques de l'insuline et d'une enzyme régulant la croissance, la mobilité et la survie des cellules. Résultat : la durée de vie de l'animal a été multipliée par cinq, « soit une équivalence humaine de 400 à 500 ans », compare le chercheur qui a entamé des tests sur la souris pour valider le même effet chez les mammifères.

Frugalité protectrice

Une alimentation saine pourrait permettre de gagner jusqu'à trois ans de vie avec un métabolisme plus jeune, selon une étude clinique réalisée par l'Institut de médecine fonctionnelle de Federal Way aux Etats-Unis. Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs ont soumis pendant huit semaines 43 hommes en bonne santé âgés de 50 à 72 ans à des règles d'hygiène strictes. Leurs recommandations concernaient la composition de l'assiette ainsi que le sommeil, l'exercice et la relaxation. Ils devaient s'astreindre à trente minutes d'exercice quotidien cinq fois par semaine et à deux séances par jour de respiration contrôlée. Le régime comprenait un jeûne intermittent léger pour réduire le cycle glycémique, des protéines animales riches en nutriments (oeuf, foie…), des fruits et des légumes ainsi que des compléments en probiotiques et phytonutriments. L'analyse de la méthylation de l'ADN, la principale forme de modification épigénétique, a révélé un rajeunissement cellulaire de 3,23 ans comparé au groupe témoin. Une mauvaise hygiène de vie produit des résultats inverses : sur environ 55 millions de décès annuels dans le monde, 72 % sont causés par des maladies non transmissibles telles qu'affections cardiovasculaires et diabète, souvent liées au mode de vie : alimentation trop riche, sédentarité, tabac, alcool…

En chiffres

500.000 - Le nombre total de centenaires dans le monde en 2020. Il était de 23.000 en 1950.

4 millions - Le nombre de centenaires dans le monde en 2050 selon les estimations des Nations unies.

55 - Le nombre de supercentenaires (plus de 110 ans) officiellement confirmé. Un centenaire sur mille atteint cet âge canonique. Vingt-quatre, dont un seul homme, ont atteint 116 ans. Le Japon, les Etats-Unis et la France sont, dans cet ordre, les plus grands pourvoyeurs de doyens.

122 ans - Le record de longévité détenu par Jeanne Calment, avec 122 ans et 164 jours. Elle est suivie de l'Américaine Sarah Knauss, décédée fin 1999 à l'âge de 119 ans et 97 jours, et de la Japonaise Kane Tanaka, née le 2 janvier 1903 (118 ans) et toujours vivante.

71,4 ans - L'espérance de vie moyenne dans le monde. Elle était de 46,8 ans en 1950. Les écarts sont importants d'un pays à l'autre : elle varie de 83,7 ans au Japon à 50,1 ans au Sierra Leone. La France se place au 8e rang avec une moyenne, homme et femme confondus, de 82,4 ans (72,6 en bonne santé).

AUTHOR : PAUL MOLGA

© Les Echos Publishing - Base éditoriale - 2021

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