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Tour de vis en vue pour développer le recyclage des vieux vêtements

il y a 2 ans
Des critères de performance environnementale vont être fixés pour les 2,5 milliards de vêtements mis sur le marché en France tous les ans. Objectif à terme : imposer un malus financier aux moins vertueux. L'enjeu est de gérer leur fin de vie car aujourd'hui, faute de débouchés en France, les vieux vêtements sont massivement exportés.

Pour le recyclage ne décolle guère, un tour de vis se profile à l'encontre des marques textiles. L'enjeu est d'accroître leur recyclabilité. Refashion, l'éco-organisme gérant la fin de vie des vêtements, linges de maison et chaussures (les « TLC ») est prié de proposer ces jours-ci à la ministre de la transition écologique Barbara Pompili des critères d'évaluation de la « performance environnementale » des vêtements.

« L'objectif est d'assujettir à un malus financier la mise sur le marché des produits les moins environnementaux, pour inciter les entreprises à l'écoconception. Refashion proposera fin octobre une feuille de route pour les emmener dans la bonne direction », explique le directeur général de l'éco-organisme, Alain Claudot.

Critères d'écoconception

Mais sur quels critères juger de la performance environnementale d'un vêtement ? Pas la matière, car cela fermerait la porte aux inventions du futur, estime Refashion. « Dire halte au synthétique n'est pas la réponse, car nous n'avons pas les ressources naturelles pour le remplacer. Comment se passer, par exemple, de polyamide pour ce qui doit être élastique ? » juge Alain Claudot.

Pour l'éco-organisme, l'écoconception recouvre un ensemble vaste de critères : tout ce qui allonge la durée de vie du produit, ou le rend plus recyclable (c'est-à-dire facile à démonter, notamment), ou plus vert par incorporation de matière recyclée « et en quatrième lieu, c'est d'avoir réalisé une analyse de cycle de vie prouvant qu'on a mené des actions réduisant l'impact environnemental », conclut le dirigeant de Refashion.

Tissus multimatières

L'éco-organisme propose, les pouvoirs publics trancheront. Mais la question est complexe. Ainsi, il serait tentant d'assujettir à un malus les tissus/vêtements mélangeant des fibres de différentes matières, plus durs à recycler. Mais « aujourd'hui, les vêtements sont quasiment tous multimatières et qui achèterait un jean sans élasthanne ? Mieux vaut mettre un bonus aux vêtements mono matière », juge Pierre Duponchel, fondateur du plus gros acteur de collecte, Le Relais.

Quels que soient au final les arbitrages, la crise Covid a révélé l'urgence de mieux gérer leur fin de vie. Faute de débouchés en France, par davantage de réemploi (ce qui suppose des vêtements plus qualitatifs) ou de recyclage, la filière souffre d'une dépendance à l'export. L'an dernier, sur 204.000 tonnes de TLC collectés, 144.000 tonnes ont été exportées, dont seulement 38.000 tonnes en Europe. Le gros (53.000 tonnes) est parti en Afrique pour réemploi, ou encore 38.000 tonnes en Asie pour recyclage (en chiffons etc.) notamment en Inde et au Pakistan.

Dépendance à l'export

Le Covid a rappelé le danger de cette dépendance à l'export. En 2020, pendant le confinement, le commerce maritime a ralenti et les pays confinés n'étaient plus preneurs des TLC. Les opérateurs français de collecte et de tri n'ayant pas les moyens financiers de stocker la collecte, ils l'ont arrêtée et la fripe s'est amoncelée sur les trottoirs bien après le déconfinement. Le Covid a jeté une lumière crue sur la précarité financière de la chaîne et le fait que pour gérer la fin de vie de leurs produits, les marques textile ne payaient à leur éco-organisme que moins de 0,70 centime d'éco-contribution moyenne par vêtement mis sur le marché.

Depuis, la filière bouge. « L'éco-contribution moyenne est passée à 0,89 centime par pièce en 2020 et 1,27 centime en 2021, portant le budget annuel de Refashion de 25,5 à 34,5 millions soit +35 % en un an », souligne Alain Claudot pour qui l'éco-contribution « continuera à augmenter pour atteindre à 40 ou 50 millions dans les prochaines années et 100 millions à terme pour financer des investissements dans l'économie circulaire et le recyclage ». C'est le seul moyen de créer des débouchés locaux.

Mais les problèmes à surmonter restent nombreux. 2,4 milliards de TLC ont été mis sur le marché français en 2020, représentant 517.000 tonnes soit 7,7 kg par habitant. Hors crise sanitaire, c'est même plutôt 2,5 milliards par an soit 650.000 tonnes. En fin de vie, seuls 39 % sont collectés (3,1 kg par habitant). Ce sont rarement les meilleurs. La « crème », dans le jargon du secteur, les particuliers la revendent plutôt sur internet. La médiocrité de la collecte pose un défi économique et la France a un déficit de capacités de collecte et de tri.

Financer le recyclage

Post-tri, « 5 % de la collecte est revendue dans les magasins français et 50 % parte en réemploi à l'export », explique Pierre Duponchel. Le reste doit être recyclé, mais « le seul recyclage à niveau industriel en France, c'est l'usine du Relais qui effiloche 12.000 tonnes par an », souligne-t-il. Le Relais recycle 2.500 tonnes de fibres de jeans pour faire des panneaux isolants biosourcés pour le bâtiment, « la demande a fortement décollé cette année, on pourrait imaginer 5 ou 6 usines à terme… » rêve-t-il. Reste à les financer.

« Le sujet est de financer le coût du traitement du non réutilisable », commente Alain Claudot. Pour développer le recyclage, Il faudrait identifier la composition des tissus multi-matières en s'équipant de spectromètres à infrarouge. Et trier les couleurs par tri optique. « Il n'y a pas ce type de centre de sur-tri en France. Pour en financer deux, il faudrait porter l'éco-contribution à deux centimes sur les 2,5 milliards de vêtements mis sur le marché par an », calcule Pierre Duponchel. La filière est priée de continuer à bouger. Ce sera tout l'enjeu du prochain cahier des charges de Refashion, dont l'agrément expire fin 2022.

Author : MYRIAM CHAUVOT

© Les Echos Publishing - Base éditoriale - 2021

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